A l’emplacement actuel du château, était construite une habitation massive dont on peut encore apercevoir le reste des fondations qui longent le mur Nord de la chapelle. Ce bâtiment était sans doute très antérieur au 17ème siècle : il en reste aujourd’hui la partie centrale qui, elle aussi, sera entièrement modifiée autour de 1850. A cette époque, le château Malfard (contraction de l’expression « mal à faire » tant la culture de la vigne y est source de peines et de difficultés en tout genre et cela en raison de la nature très argileuse du sol) s’appelait « Domaine de Bellevue ». Les propriétaires de l’époque firent subir à la bâtisse une transformation radicale : ils rehaussèrent le corps principal de 42 mètres de long sur 7 mètres de large, dont un ensemble de vasques en pierres sculptées surplombe le mur de la façade Ouest.
Aux vestiges des tours rondes existant à chaque extrémité, ils accolèrent un pavillon d’abord recouvert en tuiles (Fig 1), bientôt remplacées par de l’ardoise en 1875.
A cette date la façade Est fût flanquée d’une orangerie altière (Fig 2) qui, à son tour, sera déplacée 120 ans plus tard sur le flanc Nord de la cour intérieure après destruction des bâtiments de vinification qui y prenaient place (Fig 3).Sur la façade Ouest fut construite une véranda courant sur la totalité du bâtiment dont les piliers en fonte servaient de descentes pour l’évacuation des eaux pluviales ! En 1877, on construisit la chapelle qui resta en service jusque vers 1960. Simultanément, on érigea le chai dit « Médocain » (Fig 4), que l’on voit situé au bout de l’aile Nord.
Ce chai de vinification disposait de caractéristiques extraordinaires pour l’époque du point de vue œnologique. Nous y reviendrons au chapitre « Vinification ».A la fin des années 1990, les bâtiments du domaine et notamment le château étaient tombés dans un état d’abandon quasi total : toitures effondrées, ronces envahissantes. Les pillages généralisés, le vandalisme, étaient sur le point d’anéantir ce témoignage magnifique du génie rural et architectural français des 18ème et 19ème siècles.
C’est à partir de l’an 2000 que fut entrepris la remise en état complète du château et des bâtiments agricoles. Le domaine de Malfard était en effet conçu autour de deux ensembles immobiliers de structure carrée, l’une autour du château, l’autre comportant les écuries et les logements ouvriers, outre le chai à barriques et un immense hangar construit en fermettes américaines dans les années 1890. Il faut en effet savoir que jusqu’en 1900, Malfard comptait environ 60 personnes ! Les toitures de tous ces bâtiments étaient effondrées, dans les communs du château poussaient arbres et ronciers. Après arrachage de la végétation au câble et au tracteur, et l’évacuation de monceaux de gravas, plus de 2500 m2 de toitures furent reconstruites, les appartements ouvriers réaménagés, un chai de vinification et un chai à barriques totalement rénovés. Cette rénovation s’est accompagnée d’une mise aux normes européennes. On construisit une station d’épuration, un centre équestre fut installé et aujourd’hui deux gîtes ruraux ont été ouverts. En outre une salle de dégustation a été réaménagée dans les anciens chais et écuries attenantes.
Plus ancien propriétaire connu du domaine Bellevue (ancienne appellation du château Malfard) : Michel DECAZES, né à Libourne le 17 février 1747 : il est avocat au parlement de Bordeaux et au Présidial de Libourne.
En 1796, le domaine est racheté par les frères LACAZE dont Jean-Jacques, qui est le gendre de Michel DECAZES.
Jean-Jacques LACAZE et son épouse, devenus seuls propriétaires, décèdent en 1804. Ils laissent deux orphelins Hippolyte et Aricie (l’influence du titre de l’Opéra de Jean Philippe RAMEAU sur la mode des prénoms des enfants de l’époque est ainsi manifeste !).
Aricie épouse en 1819 le baron de BERTHOUMIEU, nouveau propriétaire qui, à son tour, revend le château au duc et à la duchesse Elie DECAZES en 1823.
Fait remarquable, le duc Elie DECAZES était né à Malfard le 27 septembre 1780 de Michel DECAZES, premier propriétaire connu des lieux. Ce duc DECAZES, anobli par le roi pour services rendus à l’Etat, était une forte personnalité : ministre des affaires étrangères de Louis XVIII, auteur d’un traité des relations internationales ayant fait autorité en son temps, homme d’affaires avisé et entreprenant, on lui doit entr’autres la création ex nihilo de la ville minière de DECAZEVILLE. Le duc DECAZES dont les descendants disposent encore aujourd’hui de plusieurs châteaux, notamment sur la commune voisine de BONZAC, conservera Malfard pendant 26 années au terme desquelles, en 1849, il passera le relais à son cousin par alliance Elie BEYLOT.
La famille BEYLOT, à qui on doit la première reconstruction de Malfard, conserve le domaine jusqu’en 1872. A cette époque le vignoble est classé en deuxièmes côtes de Fronsac.
En 1872, la famille des CORDES rachète à son tour le domaine. C’est à Georges des CORDES qu’on doit la construction de la chapelle, l’édification de l’Orangerie, la surélévation des deux tours carrées et de la toiture centrale.
En 1899, la famille des CORDES mise en difficulté financière, notamment suite à la destruction du vignoble par le phylloxéra (qui conduira au déclassement ultérieur du vignoble) doit mettre Malfard en vente au tribunal. C’est alors que la famille RICHER s’en porte acquéreur, et le domaine revivra pleinement jusqu’au début des années 1970.
Par la suite, Malfard fut abandonné par ses nouveaux propriétaires jusqu’à son rachat en 1993 par un marchand de biens qui le revendit en l’an 2000 à la famille RIVIERE qui en a entrepris le sauvetage.